Michael Kiwanuka
Lusaint
Michael Kiwanuka

Avec son éternelle modestie, Michael Kiwanuka ferait presque oublier quʼil est lʼun de ces artistes rares qui ont changé la face de la pop et de la soul de leur époque. Voici une douzaine dʼannées, son premier disque Home Again, sorti dans la foulée de quelques premières parties de la chanteuse Adele alors quʼil était encore inconnu, avait dʼemblée fait entrer le jeune britannique dans une catégorie à part, tant son don pour marier ses textes, ses mélodies mémorables et les accords de sa guitare confinait au génie. À ce classique instantané, dont le répertoire reste un pilier de ses concerts, il a donné trois suites dont chacune a surpassé lʼautre et confirmé les espoirs placés en lui. Le dernier, Small Changes paru en 2024, est une nouvelle étape dans la quête de soi dʼun auteur-compositeur hors norme, qui conquiert ses doutes et entretient sa vulnérabilité une chanson à la fois, tout en ayant développé lʼart de créer avec son public une intimité désarmante. Ceux qui lʼont déjà vu sur scène, comme à Jazz à Vienne en 2022, le savent : vivre en live ces chansons où il mêle sans les imiter lʼhéritage des grands de la pop et de la soul est un moment inoubliable qui ne se refuse pas.
Lusaint

Mais que met lʼAngleterre dans le biberon de ses chanteuses ? Après Amy Winehouse, après Adele, voici la jeune Lusaint, puissante et incroyablement proche : il semble quʼelle nous chante sa soul intimiste au creux de lʼoreille, de cette voix venue du plus profond de son âme. Il nʼy a pas de frontière entre la jeune chanteuse-autrice-compositrice et celle ou celui qui lʼécoute. Cʼest peut-être parce que Lusaint, originaire de Manchester, avait commencé le chant comme un passe-temps, chantant en karaoké sur lʼordinateur familial quand la maison se vidait, participant à des chorales et, très vite, en reprenant des tubes, à sa manière si personnelle, chaleureuse et puissante à la fois. Jamais elle nʼavait pensé en faire un métier. Cʼest ensuite que, enhardie par des retours enthousiastes de son entourage, elle a mis ses covers en ligne. Succès immédiat. En 2019, elle battait le record de nombres de shazams en 24h, de quoi la propulser au-devant de la scène, avec ses reprises acoustiques des tubes « Crazy In Love » de Beyoncé et de « Wicked Game » de Chris Isaak (qui accumule plus de trente-cinq millions de vues sur YouTube). Cʼest en écoutant les classiques de Billie Holiday, Nina Simone ou Ella Fitzgerald que Lusaint sʼest lancée dans lʼécriture de ses propres chansons. Modeste, sincère, avec un côté girl next door, une voix à faire fondre les icebergs, une étonnante maturité, elle sʼimpose avec tranquillité comme lʼune des grandes chanteuses de ces prochaines années.